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Individualisme : Le Chainon Manquant

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Vous vous êtes sûrement déjà demandé d'où vient l'individualisme? Moi oui.

On s'indigne, on le dénonce depuis si longtemps, on ne se demande plus à quoi c'est dû. Et voilà, dans nos accueils collectifs, on n'ose plus du tout défendre le groupe, l'ensemble*, le collectif, ni même la solidarité.

Dans nos accueils collectifs, on défend les libertés individuelles ; ce faisant on prône bon gré mal gré l'homo economicus, le consommateur, l'homme qui est seul devant sa responsabilité individuelle et seul face au monde...

*Évidemment tout le monde a entendu parler du "vivre ensemble" mais c'est un rideau de fumée. Il est absolument évident que "vivre ensemble" signifie aujourd'hui : «chacun respecte chacun» et que ça ne signifie pas «les gens espèrent un avenir commun». Le "vivre ensemble" est une autre façon de dire "paix sociale", ça n'est jamais utilisé dans le sens "désir de vivre ensemble autour de valeurs que l'on partage". Il s'agirait plutôt aujourd'hui du désir de ne pas vivre ensemble. Chacun veut vivre son petit truc dans son coin.

La France s'est fondée en 1789 sur l'idée de vivre ensemble la démocratie (la liberté), l'égalité et la fraternité. De 2007 à 2012 on a vécu une vraie abomination où les politiciens ont complètement sabordé cet enthousiasme national : les gens ont été dressés les uns contre les autres, à chaque "problème" on tentait d'identifier un bouc émissaire (les chômeurs, les immigrés, les musulmans...).

C'est comme ça qu'on arrive à ces situations totalement dingues où des gens sont heureux de manifester contre la liberté, contre l'égalité et contre la fraternité (mariage homo). Fussent-ils une bande de décérébrés, on n'aurait jamais dû voir nos politiciens les encourager comme ils l'ont fait par exemple le 24 mars 2013.

Et donc l'individualisme, non seulement on l'applique dans nos accueils collectifs, mais en plus on le prône. (J'ai bien l'intention de m'y attaquer... comme je l'ai déjà en partie fait au sujet de qui ne veut pas assumer.)

On prône la société de consommation parce qu'on a du mal à identifier mieux. En réalité cette société de consommation a elle-même envahi notre quotidien et elle fait sa publicité constamment tandis que dans un cercle vicieux nous sommes en train de détruire ce qui nous sépare de l'homo economicus, ce qui nous sépare du consommateur pur (ce cercle vicieux qui nous pousse à détruire nos services éducatifs, à mépriser notre culture, à mépriser le savoir, à ne plus considérer que ce qui rapporte de l'argent et à penser que tout le reste est une perte de temps)

Et le chainon manquant? J'étais un peu gêné en écrivant sur la Bidouillerie comme je l'ai été au départ avec les messages de Noël qui défendent le collectif, le groupe. Je n'avais pas construit mon rapport à l'individualisme et au groupe. Et donc après des recherches, je pense que le rapport entre l'homme et l'individualisme se trouve dans la famille, plus précisément dans les règles morales qui régissent le fonctionnement d'une famille.

Pour faire très très très très grossier, même s'il y a des disparités, on a eu en France (en Bretagne notamment) un modèle de famille où l'égalité entre les enfants est un principe fondamental (transmission des héritages...) tandis qu'en Angleterre le modèle correspond plus à une liberté des enfants avec une acceptation des inégalités. (pardonnez-moi si je suis approximatif ou un peu inexact, je suis toujours en train de bosser là-dessus...)

Les règles et valeurs très puissantes qui structurent les familles vont donc donner aux enfants des dispositions à accepter tel ou tel mode de société : société plutôt égalitaire, société plutôt inégalitaire...

Pourquoi je parle d'Angleterre? Parce que le modèle britannique est plus ou moins celui qui a établi les règles actuelles de l'économie, l'économie libérale où règnent les inégalités.

Et voilà où nous entrons en action avec nos intentions éducatives et nos projets pédagogiques.

Est-ce que nous défendons à tout prix les libertés individuelles, le fait que chacun profite comme il veut/peut dans son coin? Ou est-ce que nous défendons une culture collective?

C'est une question qui rappelle un tas de choses, non?

Le lever individualisé n'est finalement qu'une ridicule petite liberté de pacotille face à la massue du prix du séjour et aux inégalités qu'elle entraine. Libre de se lever tard pour aller faire de la pâte à sel dans une salle moche et froide pendant que d'autres sont heureux de se lever ensemble pour aller faire en groupe une activité qui les éclate...

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Ouf ! Pour une belle charge, c'est une belle charge !

L'individualisme date de l'instant où l'homo sapiens est passé du stade d'animal socialisé luttant pour sa subsistance à celui d'être civilisé, avec une structure suffisamment solide pour que tout le monde ne soit pas obligé de mettre la main à la pâte. L'individualisme en tant que sentiment fait partie intégrante de l'esprit humain, nous n'y pouvons rien, c'est une simple évolution du réflexe de survie ("si j'ai plus que l'autre et que je fais plus attention à moi, j'ai plus de chances de m'en sortir", de même que la tendance à éviter les coups, donc à se décharger de ses responsabilités sur quelqu'un d'autre et chercher des coupables...).

À chercher des causes à l'individualisme galopant de nos jours, tu as dû, dans tes recherches, effectuer un travail d'historien. C'est donc en tant qu'historien que je te réponds.

Je ne ferais pas remonter la lutte contre l'individualisme à la Révolution de 1789. Je dirais même que les révolutions du XIXème siècle qui mettent fin à l'ère moderne et font entrer le monde occidental dans l'ère contemporaine (je commence donc avec la Guerre d'Indépendance américaine de 1775-1783) sont les causes profondes de l'individualisme que nous vivons aujourd'hui.

Les monarchies d'Ancien Régime concentraient les richesses aux mains de quelques uns. De sorte que le peuple ne pouvait guère avoir de salut/plaisir/subsistance qu'en collectivité. Il n'y a jamais eu autant de solidarité, d'entraide, de vie collective que dans les basses classes de la société d'Ancien Régime. La Révolution française, malgré tout le respect que j'ai pour elle, n'a été que l'ouverture du cercle fermé de ceux qui disposent des richesses, l'ouverture du libre-échange, qui ne pouvait se faire qu'en abolissant les privilèges. Il est peu d'historiens aujourd'hui, même parmi les plus à droite, qui contredisent le fait que la Révolution française a été une prise de pouvoir de la bourgeoisie individualiste, soutenue par un peuple excédé par des siècles de privations et qui croyait en un monde meilleur et emmenée par de talentueux idéalistes. Les bourgeois du XVIIIème siècle, ancêtres de la classe financière dirigeante d'aujourd'hui, ont été le véritable moteur de 1789. Le peuple, qui ne voulait finalement qu'un peu plus de considération et de droits, mais aussi la paix, a servi d'essence. J'en veux pour preuve que les fameux Sans-culottes ont enlevé les Tuileries en 1792... et marché aux côtés des Monarchistes contre la Convention le 13 Vendémiaire.

Pour preuve également que la démocratie prend la forme qu'on veut bien lui donner, et que les anglo-saxons et leur modèle libéral qui sait jouer sur les nuances est en cela très inspirant. Je cite à cet effet que les bourgeois ayant soutenu la République en 1792 ont instauré une Monarchie parlementaire en 1830.

Historiquement, je ne vois guère que trois exemples dans l'Histoire où la collectivité a tenté de l'emporter sur l'individu.

1°) La Révolution française de février 1848. L'espace de quatre mois, le peuple de France a marché uni, égal et fier. Le temps que la bourgeoisie revienne au pouvoir aux élections du mois de mai et écrase la base populaire dans un bain de sang en juin...

2°) La Commune de Paris en 1871. Qui a, elle, eu le temps d'être idéalisée, de mettre en place quelques réformes, des programmes, un mode de vie, un plan d'avenir, avant d'être taillée en pièce. Je te suggère, Jean, d'orienter par là te recherches de mesures anti-individualisme mais non dictatoriales.

3°) La Révolution russe d'Octobre rouge 1917. Mais là, je mets un gros bémol. Car là encore, au final, c'est un individu qui, au nom du peuple (prolétariat), s'est emparé du pouvoir. La différence en est que ce régime a tenté d'imposer une vie collective au pays... en empêchant à l'individu de s'épanouir quelque peu. Avec les dérives que l'on ne connaît que trop bien...

Ça, c'était pour l'histoire ancienne et générale.

Pour l'animation et l'éducation maintenant.

Durant la majeure partie du XXème siècle (et là, je parle pour la France), les camps de vacances et la société étaient effectivement plus axés sur la collectivité que ça ne l'est aujourd'hui. Ne serait-ce que parce que les loisirs personnels et solitaires (télévision, jeux vidéo, etc...) étaient beaucoup plus rares. Ne serait-ce aussi que parce que la vie n'était facile pour personne et qu'on ne lutte jamais mieux contre la fatalité que quand on est en groupe. Ne serait-ce aussi parce que la conscience nationale était plus forte, le service militaire se chargeant de rappeler à tout le monde qu'un homme reste un homme qu'importe d'où il vient, quand il est en uniforme. Tiens oui, l'uniforme à l'école aussi, autre débat.

Puis, arrivent les Trente Glorieuses, la mondialisation, où tout-à-chacun commence à miroiter une ascension sociale et pécuniaire avec moins d'efforts. Et puis Mai 1968, et sa révolte au nom des libertés individuelles et des grandes idéologies sur la conscience, l'éducation nouvelle et j'en passe. Nos parents (en tout cas ceux de ma génération) sont issus de cet esprit soixante-huitard.

Coup de grâce, 1981-1991. La désillusion du "Socialisme" et l'avènement de la Pensée unique libérale. Les enfants que nous encadrons aujourd'hui viennent de parents qui ont grandi dans cet esprit (et ayant aux-mêmes des parents soixante-huitards).

J'ignore quelles sont exactement tes recherches et tes conclusions précises. Ce sont les miennes. Ce que je sais, ce que j'espère, ce que l'Histoire m'enseigne, c'est qu'une spirale aspirante a une fin. Que le fossé des inégalités qui se creuse chaque année davantage finira par engloutir ceux qui en sont responsables. Nous reviendrons alors, probablement, a une situation similaire à celle des années 1780-1850. Un changement d'ère. À nous de ne pas refaire les mêmes erreurs. Avec cette fois-ci le facteur écologique qui risque de modifier la façon de voir. Ce jour est sûrement plus proche que nous le croyons.

Dans l'animation, dans les projets éducatifs et pédagogiques, l'individualisme est prôné en vertu de la Pensée unique. Le véritable défi serait d'oser un retour à la collectivité unie et revendiquée. Je sais que, dans ma façon d'animer, avec mes collègues, nous tâchons toujours de privilégier la coopération à la confrontation, l'esprit de groupe à l'esprit individuel. Mais il est vrai que malgré tout, l'individu est au cœur de tout.

Mais y pouvons-nous quelque chose ? L'individu est au cœur de chaque esprit, c'est dans la nature humaine. Il faudrait trouver une formule qui place la société, la collectivité au cœur du système, établir l'égalité entre tous sans pour autant brimer l'espace et les libertés fondamentales dont un individu a besoin pour ne pas se sentir opprimé et afin qu'il soit fier et heureux de faire parti et de participer à un tout égalitaire.

Si tu as dans tes manchettes une idée de PE qui va dans ce sens, ou as besoin de soutien pour en établir un et mettre le projet à exécution, fais-moi signe.

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Arf ça va tourner à la discussion politique ou fataliste...

Les causes politiques, les doctrines, etc. tout ça ne m'intéresse guère. En fait je parle de l'individualisme comme un comportement qui appartient à un ensemble (avec la responsabilité individuelle, l'économie libérale) qui détruit les accueils collectifs dont nous sommes les animateurs.

Ce que j'observe, c'est que même s'il existe des documents d'intentions éducatives prétendument égalitaires, dans les faits on est passé dans le monde de l'entreprise, le profit, et donc on est en train de saborder l'éducation dans notre pays. Ce faisant (quand je parlais de 1789 c'était comme symbole) on bouscule les valeurs qui nous font vivre ensemble.

Dans l'animation, dans les projets éducatifs et pédagogiques, l'individualisme est prôné en vertu de la Pensée unique. Le véritable défi serait d'oser un retour à la collectivité unie et revendiquée. Je sais que, dans ma façon d'animer, avec mes collègues, nous tâchons toujours de privilégier la coopération à la confrontation, l'esprit de groupe à l'esprit individuel. Mais il est vrai que malgré tout, l'individu est au cœur de tout.

L'individualisme n'est jamais prôné tel quel. Cependant, on ferme les yeux sur les inégalités, on encourage le narcissisme individuel (on se met à imiter les émissions télé américaines comme le talent machin, la voix bidule), on promeut les libertés individuelles à l'excès et on déclare détester toute forme d'autorité. (je sens que c'est pas comme ça qu'il faut le dire...)

Le défi, s'il existe, se déroule dans la tête des organisateurs. Éducativement c'est facile à faire ; il faut être un peu intelligent pour dépasser la vision économique libérale des médias, mais on peut tout à fait trouver comment promouvoir les groupes, la famille, la culture commune... c'est quelque chose de très naturel au fond, on le fait tous les jours sans y réfléchir.

Mais il y a des blocages, oui. Le plus important est médiatique et social à mon avis : réussir à dépasser la vision économique libérale ça suppose d'assumer quelques choix un peu musclés, de se re-créer un langage, des idées qui ne voient pas uniquement l'éducation comme formatage, l'autorité comme domination, le groupe comme écrasement de l'individu...

Mais y pouvons-nous quelque chose ? L'individu est au cœur de chaque esprit, c'est dans la nature humaine. Il faudrait trouver une formule qui place la société, la collectivité au cœur du système, établir l'égalité entre tous sans pour autant brimer l'espace et les libertés fondamentales dont un individu a besoin pour ne pas se sentir opprimé et afin qu'il soit fier et heureux de faire parti et de participer à un tout égalitaire.

C'est dans la nature à laquelle on nous éduque. Moi je ne demande rien de spécial sauf qu'on est en train de transformer notre société par une économie incontrôlée et que cette transformation cause beaucoup de souffrances. Et rien que dans l'animation on traverse la crise dans la plus grande hypocrisie, je parie que si les grandes associations d'éducation populaire n'ont pas encore cherché à avoir un statut d'entreprise, elles y songent ou elles y songeront dans un avenir proche... Et ça ne changera rien! Les animateurs ne gagneront pas mieux leur vie, la valeur éducative des séjours va encore baisser et seront elles-mêmes des facteurs d'inégalités sociales.

Si tu as dans tes manchettes une idée de PE qui va dans ce sens, ou as besoin de soutien pour en établir un et mettre le projet à exécution, fais-moi signe.

Je n'en ai pas, je sais où en trouver (ceux de Noël par exemple), et il en existe aussi dans des structures visant les publics adultes, je pense à la scop "le pavé" à l'instant, il y en a sûrement d'autres.

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C'est pas toi qui m'intéresses pas, remiposeidon... c'est moi qui ne suis pas intéressé.

L'Histoire, tu l'écris sûrement mieux que je ne le ferai jamais, je n'ai pas trop la fibre.

En revanche là, j'avais la tête pleine de mots qu'on n'utilise plus trop de nos jours, et on se demande pourquoi : "inégalités", "profit", c'est utile pour relativiser un peu les libertés individuelles.

J'ai rien contre la liberté, du moins j'ai un oeil critique dès qu'il est question d'en avoir moins. Mais finalement quel est le sens de ces libertés? Le profit? Ou le plaisir de vivre ensemble?

Historiquement, je ne vois guère que trois exemples dans l'Histoire où la collectivité a tenté de l'emporter sur l'individu.

Justement je mettrais beaucoup plus d'exemples. La Corée du Nord? Le troisième reich? ... pour prendre des exemples évidents où les individus se sont laissés écraser par le groupe. Mais c'est très extrême et sans aller jusque là je pense qu'on connait tous des situations où un groupe trop absolu, fût-il entrainé par quelqu'un (un despote) ou par personne (anonymous), peut connaitre des dérives très graves.

Sans aller jusqu'à ces extrêmes, je veux juste interroger l'individualisme car je pense qu'il s'oppose, au moins en partie, à l'égalité et à la fraternité.

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